0.1 Embrasser la totalité de notre être

Nous vivons dans une société où le paradigme en vigueur est ce que j’appelle la logique binaire, avec d’un côté le bien et de l’autre le mal, qui s’opposent continuellement. À partir de ce paradigme moral, qui nous est inculqué depuis notre plus jeune âge, on considère qu’il y a des émotions qui sont bonnes à vivre en société, tolérées, et d’autres qui sont mauvaises à vivre, honteuses, dévalorisantes. Influencés en permanence par ce jugement de valeur sur nos émotions, nous nous autorisons à vivre certaines émotions librement – ce qui est bon pour notre santé – et, à l’inverse, nous avons tendance à contrôler, à juger, voire pire encore, à réprimer ou refouler certaines émotions – ce qui est mauvais pour notre santé, tant sur le plan physique que sur le plan psychologique.

Or, dans l’absolu, il n’existe pas de « mauvaises » émotions. Le mot même « émotion » vient du latin emovere, qui signifie « mettre en mouvement ». L’émotion est avant tout une énergie vitale, une force intérieure qui nous traverse pour nous mettre en mouvement et nous relier à la vie. Sa nature profonde est de circuler, de s’exprimer, de se déployer. Lorsqu’une émotion est pleinement vécue, elle remplit sa fonction et se libère d’elle-même. En revanche, quand elle est bloquée, réprimée ou figée, elle se détourne de son mouvement naturel. Ce blocage contre-nature se transforme alors en tensions, en mal-être, voire en maladies psychosomatiques [1].

La solution à ce problème est naturellement de s’extraire de ce carcan de la logique binaire, pour adopter une autre logique, la logique ternaire [2], grâce à laquelle nous pouvons dépasser l’opposition bien/mal pour nous placer dans une dynamique d’intégration, de conciliation et de réunification intérieure.

Contrairement à la logique binaire, qui inclut la notion de mal en soi, la logique ternaire considère que tout est bon en soi, que tout a sa raison d’être, que tout est juste tel que cela est, au-delà de tout jugement de valeur. La logique ternaire, c’est le regard inconditionnellement aimant de l’Esprit en soi [3], qui est un espace d’accueil inconditionnel en lequel tout a le droit d’exister sur un pied d’égalité, la peur autant que la paix, la colère et la tristesse autant que la joie et l’enthousiasme.

Ce que je vous explique là ne vient pas de moi. C’est une voie que nous ont enseignée les philosophes, les maîtres de sagesse et les guides spirituels de l’humanité, à toutes les époques. Ce qu’on appelle l’unité ou la voie du milieu, le fait de vivre en phase avec le Tao ou en conformité avec le Dharma, ou encore la justice du Royaume des Cieux, tout ceci fait référence à un positionnement intérieur particulier, un état de conscience qui embrasse la réalité telle qu’elle est, en commençant par notre réalité intérieure, dont font partie tous nos états d’existence, nos états d’âme, nos états émotionnels, tous sans exception.

Le sage n’est pas celui qui n’a plus aucune émotion, c’est celui qui laisse ses émotions suivre leur cours harmonieusement, en toutes circonstances, sans répression ni jugement. Cela ne veut pas dire qu’il se laisse dominer par la moindre de ses pulsions ou qu’il s’autorise à projeter ses émotions sur les autres. Cela veut dire qu’il est parfaitement maître de lui-même, en canalisant les émotions qui l’animent d’une manière qui participe à l’évolution de tous les êtres. S’il ressent une indignation légitime par exemple, il ne va pas laisser son ego l’emporter dans un débordement de violence, mais il va transmuter et sublimer l’énergie de colère qui l’accompagne pour qu’elle devienne une source de créativité inspirée, qui le poussera à améliorer la situation si c’est en ses capacités, ou s’il ne peut rien faire pour la changer, à l’accepter paisiblement et à aider celles et ceux qui en souffrent.

La bonne nouvelle, c’est que nous avons tous la possibilité de vivre cette transmutation de nos émotions, pour faire de l’or avec du plomb, comme le disent les alchimistes [4]. Le plomb, c’est ici une métaphore pour parler de nos ombres intérieures, toutes ces émotions que justement nous n’aimons pas, que nous avons pris l’habitude de juger, d’occulter, de rejeter ou de refouler. Au lieu de chercher à nous en débarrasser pour nous sentir mieux, comme on nous a appris à le faire dans une société dominée par la logique binaire, nous pouvons faire de l’or spirituel avec nos états négatifs. Autrement dit, nous avons la possibilité de transformer notre souffrance en bien-être, en énergie de santé, en joie de vivre, en confiance, en paix intérieure, etc. Cette approche nous permet ainsi de comprendre qu’il n’y a pas à vouloir échapper à notre souffrance, puisque c’est elle qui va nous permettre de nous élever en conscience pour vivre de merveilleux états intérieurs. En effet, si c’est à partir du plomb qu’on peut faire de l’or, nous comprenons que si nous nous débarrassons du plomb – notre plomb intérieur – nous perdons aussi la possibilité de faire de l’or.

[1] Le concept de « mal-a-dit » illustre parfaitement cette relation entre blocage émotionnel et manifestation physique du mal-être.

[2] Cette notion de logique ternaire, fondamentale dans la Méthode TEN, sera développée en profondeur dans le module 5.

[3] L’importance de cette dimension spirituelle de notre être sera explorée plus spécifiquement dans le module 5.2.

[4] Les rapports entre la Méthode TEN et l’alchimie sont explorés dans le module 4.

Cette publication a un commentaire

  1. Anne PAGNIER

    En effet, si c’est à partir du plomb qu’on peut faire de l’or, nous comprenons que si nous nous débarrassons du plomb – notre plomb intérieur – nous perdons aussi la possibilité de faire de l’or. ” Cette simple phrase est magique merci !

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